Customizable pageIntervenants et résumés des interventions
Lewis Ampidu Clorméus (Université d’État d’Haïti) Autour des lignes directrices des rapports entre l’État et les religions en Haïti En 1946, en vue d’équilibrer les rapports entre l’État et les différentes religions, un groupe de parlementaires propose d’intégrer le principe de la laïcité dans la nouvelle constitution haïtienne. Si cette démarche n’a pas abouti à ce moment, un débat resurgit après l’adoption de la constitution de 1987 qui abroge le décret-loi du 5 septembre 1935 sur les pratiques anti-superstitieuses. Pour certains, l’État haïtien s’inscrit implicitement dans une démarche de laïcisation. Pour d’autres, il reste un État confessionnel qui arrive difficilement à gérer le poids politique du religieux. Cette communication examine les deux points de vue et tente de montrer comment l’effondrement de l’État affecte la sphère religieuse en Haïti. * Emma Aubin-Boltanski (CéSor — CNRS) et Nisrine Al-Zahre (IMA) Comment traduire la formule Allâhu Akbar ? En 2019, Nisrine Al-Zahre, linguiste et Emma Aubin-Boltanski, anthropologue ont conçu le projet d’un lexique de la révolution et de la guerre en Syrie. L’objectif est d’identifier des mots, de tracer leur évolution sémantique et, à terme, de faire émerger des concepts et/ou des catégories permettant de rendre compte d’une réalité socio-politique éminemment complexe tout en restant attentif aux points de vue et aux usages émiques. Ces mots, souvent chargés de connotations sociales, politiques, religieuses et psychiques, changent parfois de sens en fonction des locuteurs, de leurs appartenances et de leur positionnement politique, mais aussi en fonction des moments et des lieux. Ils constituent également un terrain de subversion et de récupération. C’est toute cette diversité de formes et d’usages que le lexique vivant de la révolution et de la guerre en Syrie souhaite donner à lire avec une attention particulière à la collecte, la citabilité et la préservation des sources numériques. Dans cette intervention, Nisrine al-Zahre et Emma Aubin-Boltanski reviendront sur les usages du Allâhu Akbar dans le contexte du soulèvement puis de la guerre en Syrie. Dans ce pays, comme ailleurs au Proche-Orient, le takbîr est un élément banal et quotidien du paysage sonore. Ses usages interjectifs — formule religieuse, acclamation, slogan ou exhortation — sont multiples et liés à des émotions aussi différentes que l’enthousiasme, l’exaspération, la peur, l’espoir ou encore la haine de l’autre. À l’instar de « Dieu merci »/« grand Dieu » en français ou de « thank God »/« my God » en anglais, certains sont résolument sécularisés alors que d’autres sont clairement religieux et/ou politiques. L’éventail des registres d’actions dans lequel le takbîr s’inscrit est tout aussi large : solennel, religieux, militant, guerrier ou festif. Ignorant cette variété d’usages et de registres d’action, les imaginaires occidentaux associent étroitement la prononciation de cette formule aux attaques terroristes islamiste. Dès lors se pose la question de la traduction de cette formule. Nisrine et Zahre et Emma Aubin-Boltanski reviendront sur les différentes stratégies adoptées par des traducteurs ou encore par des chercheurs. * Verónica Giménez Béliveau (CEIL-CONICET — Université de Buenos Aires) Langues, institutions, distances. Réflexions autour d’une socio-anthropologie des religions qui suit les sujets Faire de la sociologie des religions des mondes contemporains suppose, depuis quelques décennies, réfléchir sur la pertinence des catégories élaborées pour les comprendre. La réflexion, dans le cadre d’une socio-anthropologie qui pense à la fois des sujets qui se déplacent physiquement et conceptuellement et des objets mobiles, doit nécessairement s’interroger sur les manières de penser l’autre en dialogue avec les formes natives d’auto-représentation et sur l’utilisation de catégories créées pour comprendre des contextes différents. Dans cette présentation, je me suis intéressée à la circulation et à la traduction de concepts : les traductions entre langues, entre catégories savantes et catégories natives, et aussi aux possibilités de dialogue — et de malentendus — avec les catégories interprétatives que les scientifiques de la religion utilisent pour comprendre leurs différents terrains. À partir de mes travaux ethnographiques sur différents terrains en Amérique latine et en France, je centrerai ma réflexion sur les instruments de compréhension et sur le recours aux catégories marquées par l’époque, par le contexte et par les cadres institutionnels de formulation. * Matthieu Béra (IRDAP — Université de Bordeaux) La « révélation » de Durkheim ou « l’objectivation » du religieux par le fondateur de la sociologie française La « révélation » de Durkheim doit être prise au sérieux – telle est l’optique adoptée par le séminaire du Césor que j’anime depuis deux ans. Après avoir fondé la sociologie (thèse de 1893 ; Règles de la méthode sociologique en 1895), Durkheim a décidé, à partir de 1895, de concentrer son attention sur les phénomènes religieux. Cela l’a amené à considérer la religion comme « une chose », à l’objectiver. Cette question de l’objectivation (sociologique) du religieux est au cœur de son effort. Comment s’y est-il pris ? D’abord, en observant la façon dont les différentes sciences sociales et humaines objectivaient elles-mêmes la religion (la psychologie, l’histoire, philosophie, ethnologie, droit), pour en tirer des pistes qui seraient utiles à la sociologie. Ensuite, en comparant le sacrifice dans différentes religions (totémisme, monothéismes comme l’hindouisme, le christianisme, le judaïsme) pour parvenir au fondement du social. Tels sont les premiers cheminements de Durkheim jusqu’en 1895. Cette « révélation » a conduit Durkheim à travailler presque exclusivement sur les phénomènes religieux à partir de 1897 (date du lancement de L’année sociologique) pour aboutir aux Formes élémentaires de la vie religieuse en 1912. C’est une donnée trop peu considérée, qu’il est temps de remettre en perspective, afin d’en tirer les conséquences pour la sociologie contemporaine en termes d’enseignement, de notions clés et de problématiques. * Katell Berthelot (Centre Paul-Albert Février — CNRS) De l’usage de la catégorie « religion » dans l’étude du judaïsme antique Cette communication portera tout d’abord sur l’effet qu’a eu la critique de la notion de religion par Talal Asad et d’autres sur certains spécialistes du judaïsme antique — Brent Nongbri (MF Norwegian School of Theology, Religion, and Society), Steve Mason (Université de Groningen) et Daniel Boyarin (Université de Berkeley) — qui se rejoignent dans la caractérisation de la « religion » (voire du terme « judaïsme » lui-même) comme une invention chrétienne et donc comme une catégorie anachronique et non pertinente pour décrire le mode de vie et les croyances des Juifs, au moins dans l’Antiquité. J’évoquerai ensuite quelques limites de l’approche proposée par ces chercheurs, en m’appuyant sur des sources juives et non-juives. Il me semble en effet que dans le cas du judaïsme ancien, on ne pourra avancer dans le débat sur la notion de « religion » qu’en revenant à l’analyse des phénomènes (c’est-à-dire des sources anciennes) et grâce à une meilleure connaissance des sociétés antiques, dans une perspective comparatiste. L’explicitation des spécificités du cas juif me permettra enfin de proposer une définition renouvelée des catégories « religion » et « conversion ». Plutôt que la transformation des catégories émiques au contact du discours des sciences sociales (évidemment impossible dans le cas des sources antiques), c’est ici l’étude du « terrain » qui conduit à une évolution des catégories mobilisées par les chercheurs. * Pascal Bourdeaux (GSRL — EPHE-PSL) L’émancipation de la question religieuse au Viêt Nam face aux enjeux d’unité nationale, de guerre-froide et de construction post-coloniale. Le Viêt Nam a pour caractéristique de s’être retrouvé aux premières loges du processus de décolonisation de l’Indochine et, plus largement, de l’empire français. Une seconde est la place paradoxale qu’a tenue la question religieuse dans les conflictualités et les processus révolutionnaires d’alors. Si elle a bien été présente dans les métadiscours, cette dernière n’a pas toujours été définie à travers les enjeux locaux, ni même à travers les conceptions multiples et parfois opposées de la modernité religieuse qui se sont exprimées. L’intervention porte un regard historiographique sur les dynamiques religieuses contemporaines pour dresser une première typologie des relations Églises-État et reconsidérer à travers elles la fabrique de l’histoire des religions et la laïcité qui s’est produite au Viêt Nam dans un contexte doublement post-colonial et de guerre froide. * Renata de Castro Menezes (Museu Nacional - Université fédérale de Rio de Janeiro) Relations entre religion, culture et patrimoine à partir des écoles de samba de Rio de Janeiro À partir des expériences ethnographiques auprès des écoles de samba à Rio de Janeiro, je propose de réfléchir sur les relations entre religion, culture et patrimoine qui comprennent des thèmes, des personnages et des objets en commun. Dans le contexte de cette manifestation artistique, je suis capable d’apercevoir, en tant qu’anthropologue intéressée par les dévotions, différents mouvements qui mettent en cause les frontières de ces domaines, mouvements marqués par transgressions, ambivalences, ambiguïtés, allers-retours. Je propose de réfléchir aussi sur mon rôle, comme témoin des situations, mais aussi comme médiatrice de ces mouvements. Le but final est de problématiser les frontières du religieux et d’aller au-delà de l’opposition sacré/profane. * Anouk Cohen (LESC — CNRS-Université Paris Nanterre) Vers une « épistémè » islamique ? Refondation des savoirs et des subjectivités islamiques au Sénégal Au Sénégal, les livres islamiques soufis connaissent une amplification et une reconfiguration des pratiques qui leur sont associées aussi bien sur le plan de leur usage ordinaire et subjectif que de leur usage savant et scientifique. Que signifie cette effervescence du livre religieux ? Va-t-elle de pair avec la formation d’une « épistémè » islamique ? Telles sont les interrogations qui ont constitué le point de départ de cette étude. Plus précisément, j’ai étudié les transformations actuelles du « monde du livre islamique » au Sénégal, ainsi que la signification de son dynamisme pour ses différents acteurs. * Stéphane Dudoignon (GSRL — CNRS-EPHE-PSL) Hors-champ ? Les sciences sociales de l’islam dans l’ancien domaine soviétique Marqués par l’alternance de périodes de répression et de libéralisation de la pratique publique de l’islam, les anciens suds de l’URSS ont été le théâtre d’interactions spéciales entre institutions religieuses (officielles ou clandestines) et monde académique. Privés de ressources par la confiscation des fondations (waqf, pl. awqaf) dès les années 1920, des savants formés en madrasa ont intégré l’enseignement, voire la recherche en sciences humaines des républiques socialistes. Inversement, la rareté du personnel et de la littérature religieuse faisait de la recherche locale en philologie arabe, persane ou türke une ressource pour le lectorat musulman (par exemple, à travers la lecture d’ouvrages d’histoire de la littérature gnostique des siècles passés). L’interaction entre mondes religieux et académique s’est exprimée à quatre moments. Le premier, dès les années 1920–30, est celui d’une interprétation sélective, essentiellement laïque, des mouvements musulmans de réforme et de modernisation dont l’Empire russe a été le théâtre au tournant des 19e et 20e siècles. Le second, à partir de la déstalinisation à la fin des années 1950, tourne autour de la patrimonialisation d’un passé islamique littéraire et artistique interprété comme héritage des républiques nationales d’Asie centrale et du Caucase. Le troisième intervient durant la pause des politiques antireligieuses des années 1960 et 1980 : dans la lignée des interprétations des années 1920–30, il consiste en une construction historique de la « réforme » (islah) islamique du 18e siècle au début du 20e comme un Aufklärung (russe prosvetitel’stvo) musulman. Enfin, après la dissolution de l’URSS en 1991, on observe une implication croissante de ses États successeurs dans l’édiction de normes confessionnelles. Cela se traduit dans deux domaines mutuellement liés : l’encadrement de la pratique, à travers notamment une économie étatique du halal, et celui de la mémoire collective, via notamment des expériences hagiographiques musulmanes encouragées par les pouvoirs publics. Ces développements normatifs, qui interviennent dans les années 1990 sur fond de combat contre l’« islam politique » puis, dans les deux décennies suivantes, de « lutte contre le terrorisme », valorisent un islam « traditionnel », rempart contre des prosélytismes transnationaux « extrémistes » ou liés à Washington et à ses alliés du Moyen-Orient. Particularité de ces développements récents : ils associent désormais la recherche internationale, appelée à rejoindre les mondes académiques locaux comme protagonistes d’un champ politico-religieux nourri d’expérience soviétique et aux contours plus que jamais flous. Sur semblable arrière-plan, la recherche actuelle est plus que jamais invitée à s’interroger sur sa place, son rôle et ses impacts dans un paysage complexe et qu’elle laisse parfois, en le quittant, profondément transformé par ce qui relève d’une intervention. * Karine Vanthuyne (Université d’Ottawa) Catherine Dussault (Université d’Ottawa) Savoirs autochtones, savoirs sacrés à l’université : enjeux et tensions Depuis une trentaine d’années, des intellectuel.le.s autochtones participent activement à leur résurgence politique, c’est-à-dire à l’émergence de manières d’être, de penser, de sentir et d’agir hors des propositions du colonialisme. Somme toute, ces discours et ces pratiques récusent le mécanisme par lequel un privilège épistémique est accordé aux savoirs et aux valeurs dites eurocentriques (Battiste 2013). Dans la sphère universitaire, ils se développent le plus souvent à travers la mise en œuvre de « méthodes de recherche autochtones » par des intellectuel.le.s autochtones. Ces derniers et dernières conçoivent la recherche et le savoir d’une manière bien particulière, c’est-à-dire comme un « bien » spirituel par lequel on est agi et en vertu duquel on agit. Le savoir autochtone est donc perçu par eux et elles comme quelque chose que l’on reçoit et, éventuellement, redonne suivant des règles prédéterminées par la « communauté ». C’est cette manière de concevoir la recherche et, particulièrement, le savoir dans le contexte universitaire qui retiendra notre attention lors de cette communication. Dans un premier temps, nous montrerons comment les intellectuel.le.s autochtones conçoivent la recherche comme une pratique d’origine coloniale, mais ce tout en ayant l’ambition de proposer des voies de dépassement par le biais d’un travail de reconstruction identitaire et spirituelle. Cela nous permettra, dans un second temps, d’illustrer que si les « savoirs autochtones » ont été le plus souvent relégués au rang de « croyances » et de « superstitions », et que les Autochtones ont ce faisant été perçus comme incapables de penser « hors des plaintes de leur estomac » (Malinowski dans Lévi-Strauss 2002), les intellectuel.le.s autochtones injectent aujourd’hui une signification nouvelle à ces savoirs : ils sont sacrés et doivent donc être développés, mais ce, tout en demeurant protégés (maintenus secrets) suivant certaines règles que l’on nomme « protocoles ». C’est bien cette qualité d’être sacré qui fera en sorte que les « savoirs autochtones » circuleront de manière différente selon les institutions, et qu’ils seront mobilisés de manière différente selon la positionnalité (autochtone ou allochtone) de celui ou celle qui en fait usage. Nous offrirons alors deux exemples, celui de l’autochtonisation comme promesse de rendre les institutions coloniales « sécuritaire culturellement », ainsi que le « paradigme » de la recherche autochtone tel que développé par des intellectuel.le.s autochtones (Absolon 2011, Kovach 2009, Wilson 2012). Ce dernier tend à injecter dans la sphère universitaire les savoirs traditionnels autochtones, qu’ils conçoivent pourtant comme liés à la mètis, à l’intelligence pratique. En conclusion, nous proposerons que les intellectuel.le.s autochtones qui travaillent à partir des savoirs traditionnels (qui sont partagés, transmis, donnés, échangés depuis des temps immémoriels) et qui tentent d’en produire de nouveaux sont inévitablement pris entre la tension de deux mouvements potentiellement contradictoires : celui de la conservation (des savoirs traditionnels tels qu’ils circulent dans la culture d’émergence) et du changement, du simple fait que nous, Autochtones et allochtones, les travaillons. * Prof. Jackie Feldman (Ben-Gurion University of the Negev) How can the mediation of pilgrimages help develop pilgrimage theory? How can facilitators of pilgrimage – tour agents, guides and pastoral leaders – contribute to shaping pilgrimage theory? I worked guiding Christian pilgrims to the Holy Land before and during my study of the phenomenon as an anthropologist. The questions and issues raised by 'my' pilgrims and my own responses to them, as a Jew, an Israeli and an immigrant, made my own religious orientations clearer to me, while posing new questions to authoritative pilgrimage texts. At the same time, the gap between pilgrim proclamations/discourse on 'pilgrimage', 'ritual' and 'religion' and their practices in the course of their pilgrimage reminded me of the value of an etic approach that does not take interlocutors' categories as the final word, but subjects them to critical and comparative analysis. I will provide several examples from my experience as a Jewish guide, primarily with Evangelical pilgrimage groups, and demonstrate how questions and reactions of pilgrims led to new theoretical inquiries. The situation of such discourse in particular places in the Holy Land directs the discussion in certain ways, and engenders unplanned Jewish-Christian dialogues. Among the key places and utterances are: At the Church of the Holy Sepulchre: "They're pilgrims; we're Bible students". At an archaeological site : "Isn't amazing how the Bible is always right?" On the Mount of Beatitudes: "There are many religions in the world. We don't have a religion; we have a personal relationship with Jesus Christ". At the Western (Wailing) Wall: "So when did you first discover Our Lord?" At the airport before departure from the Holy Land: "You may not know why, but you've helped me strengthen my faith". Scholars' mediation in pilgrimages can increase the value of pilgrimage as a source of knowledge production by testing existing hypotheses and formulating more practice-based new ones. * Benoît Fliche (IDEMEC — CNRS) et Christophe Pons (IDEMEC — CNRS) Confiance et vérité : les sciences sociales en période de certitude contrainte Assez vite, après le début en 2020 de la pandémie historique de la COVID-19, a circulé sur des réseaux sociaux un ensemble divers d’interprétations vernaculaires, émanant du monde social et échappant au contrôle des institutions classiques. Ainsi l’une d’elles s’appuyait sur le thème du mal intérieur appelant un châtiment, imageant par exemple un « Petit Corona » envoyé sur terre par son père (divin) pour punir les humains de leurs comportements inconséquents ; dans d’autres versions, ce « Petit Corona » devenait une missive produite par Gaïa (la terre), pour alerter ces mêmes humains sur la nécessité de changer afin de sauver un monde dont ils ne sont qu’une partie. Autrement dit, nous étions devant une mise en scène de l’alternative classique entre le Bien et le Mal, un manichéisme qui a envahi l’espace social au point d’imposer des oppositions caricaturales entre vérité vs fantasme, savoir vs obscurantisme, etc. Prise à ce piège, la réflexion en sciences sociales a été enfermée dans un débat public généralisé qui a convoqué un couple confiance et vérité en l’articulant simultanément sur des discours de foi du politique, du scientifique et du religieux. Notre propos sera donc de questionner les sciences sociales et les relations qu’elles entretiennent avec la vérité et la confiance, lorsque le doute n’est plus permis, lorsque l’on est contraint à la certitude. * Khaled Furani (Gershon H. Gordon Faculty of social sciences — Tel Aviv University) Imagining Anthropology as a “Spiritual” Exercise Assuming anthropology to function within a “cage” of secular reason, built in part by this reason’s standing as sovereign, this paper imagines how anthropological intellect might function outside this cage. It argues for pursuing anthropology’s “anth-theistic potential,” a space and time in which human reason engages with its capacity to open to another, namely, the divine, a space and time that offers “emancipation” from secular reason. Activating the anth-theistic may amount to transforming the discipline of anthropology in five facets of its operation: its form of knowledge, its conception of the knowledge-seeker, the institution in which it “lives,” its method for pursuing knowledge, and finally its object of study. In accessing revelatory dimensions of thinking in pursuit of the “anth-theistic” potential, these sites taken together may manifest the ways in which the “discipline” could be something other than just a discipline, rather into “a way of life” and a “spiritual” exercise of the intellect. Anthropological intellect could thus recover its oneness with life to invigorate reason’s attention to its divine possibilities, and go beyond the order of puzzles dictated by state and market languages. * Séverine Gabry-Thienpont (IDEMEC — CNRS) Repenser les catégories musicales du religieux. Le cas de la musique liturgique copte René Ménard (1924-2008), prêtre de la Société des Missions Africaines et organiste, est nommé dans une paroisse du Caire en 1948. C’est là qu’il découvre et se passionne pour la musique liturgique copte, intérêt qui le mène ensuite à se former à la musicologie. Lors de ses séjours en France, de 1973 à 1975, puis ponctuellement à partir de 1998, il relève de façon systématique les termes liturgiques liés au chant et à la modalité musicale des manuscrits copto-arabes conservés à la BnF. Il entame alors la constitution d’un lexique dans le but de publier, à terme, une encyclopédie de la terminologie musicale copte, traduite et explicitée dans son historicité. Outre de contribuer à une meilleure connaissance de cette tradition liturgique, ce travail, inédit mais inachevé, permet de situer les partis-pris épistémologiques qui ont motivé les méthodes et la recherche de René Ménard. La catégorisation et la typologie des répertoires (religieux et non religieux) se situent en effet au cœur de la discipline ethnomusicologie. Dès ses débuts, au tournant du XXe siècle, cette approche détermine les méthodes de collecte et d’analyse des musiques. En partant de l’exemple du corpus constitué par Ménard, j’opérerai un retour sur ces méthodes et sur leur incidence dans la compréhension des catégories musicales du religieux. Dans quelle mesure les relevés systématiques des termes musicaux utilisés au sein de l’Église copte et leur traduction par Ménard ont contribué à déterminer des catégories musicales liturgiques, et qu’est-ce que cela nous révèle des méthodes de l’ethnomusicologie pour appréhender le fait religieux ? * Vincent Goossaert (GSRL — EPHE-PSL) Les sciences sociales du religieux en Chine : contraintes institutionnelles et lieux d’innovation La présentation commencera par un rapide tour d’horizon de la situation du champ des études sur la religion en Chine dans ses divers contextes (Chine populaire, Taiwan et Hong Kong, Japon, Europe et Amérique du Nord) et des diverses contraintes institutionnelles et disciplinaires qui le façonnent en ces différents lieux. Elle évoquera ensuite des lieux d’innovation où ces contraintes sont dépassées ou négociées : pour ce faire, nous regarderons plusieurs projets et publications récentes qui se signalent par, entre autres, un rapport différent aux sources, un usage créatif des humanités numériques et une volonté comparatiste.
* Shamil Shikhaliev (University of Amsterdam) Marie-Paule Hille (CCJ — EHESS) Kristina Kovalskaya (GSRL — EPHE-PSL/CETOBAC — EHESS) Knowledge production on Islam. The case of (post-)Soviet Dagestan This collective presentation is based on a two-pronged reflection on knowledge production on Islam within the post-Soviet space. The core of the presentation consists of Shamil Shikhaliev’s case study of Soviet Dagestan. His analysis focuses on the transformation of private collections of Islamic manuscripts and printed-books within the Muslim tradition, as well as on the formation of pubic manuscript collections by Soviet Academic scholars, librarians and archive workers. This analysis shows how the Soviet Orientalist approach modified the structure of private collections by transforming them into public ones, and how its classificatory strategies reflect the vision of Islam propounded by Soviet academics and the Soviet state. Shamil Shikhaliev’s presentation will be discussed by Marie-Paule Hille and Kristina Kovalskaya, first with respect to Shikhaliev’s professional path and experience as an academic with a deep knowledge of Islamic contexts (Kovalskaya), and secondly through a comparison to other (post-)Communist spaces (Hille on the case of China).
* Cyril Isnart (IDEMEC — CNRS) Ce que le patrimoine fait au religieux. Retours sur une relation notionnelle épineuse Se saisir des relations que le fait patrimonial entretient avec le fait religieux n’est pas sans écueil. En France, pensé comme la confrontation de logiques antagoniques et exclusives, le patrimoine religieux révèle les arrangements difficiles entre le séculier et le religieux. Les Églises demandent l’appui des autorités politiques pour des restaurations patrimoniales, mais elles semblent alors remettre en cause les principes de la laïcité. Les institutions patrimoniales se refusent à lier conservation des objets d’art et soutien aux croyances et aux rituels, mais la patrimonialisation a des conséquences sur les pratiques et les sentiments religieux. Des polémiques sur le coût des restaurations pour l’État, sur la mise en vente des lieux de culte inutilisés, sur les appels à solidarité populaire pour le sauvetage des cathédrales divisent le champ du patrimoine en deux camps : ceux qui militent pour la sauvegarde des objets religieux en tant que témoins historiques du passé national et ceux qui combattent la dissolution de la spiritualité dans la patrimonialisation. Pourtant, en France et dans le monde, des situations intermédiaires et plus floues existent : les institutions culturelles publiques entretiennent des monuments qui sont aussi des lieux de pèlerinage ; de nombreuses communautés religieuses et spirituelles ouvrent des musées et élaborent des visites touristiques ; des mouvements religieux réinvestissement des édifices archéologiques classés monuments historiques. Une partie de la sociologie (Hervieu-Léger), de l’histoire des religions (Assmann) ou de l’anthropologie (Isnart et Cerezales) reconnaissent ses pratiques plus symbiotiques que conflictuelles, mais ces travaux affrontent alors les préjugés et les normes politiques qui défendent la séparation des domaines patrimoniaux et religieux. Comment évaluer et appréhender ces configurations mixtes et ambivalentes ? Que faire des postures scientifiques qui dénoncent la superposition des champs ? Peut-on mener une enquête de science religieuse sur le patrimoine religieux sans remettre en cause un sécularisme radical ? * Zhe Ji (IFRAE CEIB — INALCO) Les débats en Chine sur la sécularisation : vers un particularisme culturel ? Cette recherche examine le processus par lequel la notion de sécularisation est entrée d’une manière explicite dans l’horizon des chercheurs chinois. Elle se limite à la période qui s’ouvre avec les années 1980, et qui est marquée par la réapparition des sciences humaines et sociales dans le pays. Après une brève présentation du sens de l’équivalent de « sécularisation » en chinois, qui est « shisuhua », l’auteur analyse les débats sur ce concept à l’intérieur de la communauté scientifique chinoise depuis les années 2000, dans les domaines de la sociologie et de l’histoire. L’auteur souligne que les auteurs chinois utilisent ce concept de sécularisation dans des contextes fort divers, et pour répondre à des questions qui se situent sur bien des plans différents, si bien qu’en réalité, on ne trouve que peu de véritable confrontation. Pourtant, la jeune génération des chercheurs semble réfuter l’applicabilité de la théorie de la sécularisation à la Chine, et mettre plutôt en avant la différence entre Chine et Occident. Cette tendance n’est pas un pur problème théorique, mais constitue aussi le résultat et le reflet des conservatismes politiques et culturels qui commence à dominer les milieux intellectuels chinois depuis 1989. * Isabelle Kalinowski (ENS — CNRS) « L’autre rive ». La conversion de Max Weber à une sociologie comparée des religions Max Weber (1864-1920) est devenu sociologue des religions lorsqu’il a été confronté à une crise existentielle qui lui a fait découvrir « ‘l’autre rive’ et cette sorte de solitude qui sépare de tous les êtres en bonne santé » (Lettre à Mina Tobler, 15 juin 1918). La conversion scientifique à l’étude sociologique des religions a pris chez lui la forme d’une initiation, dans laquelle l’approfondissement de sa connaissance des religions orientales et asiatiques et l’exploration de la tension entre son intérêt pour les « éthiques économiques » et les phénomènes religieux en tant que tels ont joué le rôle d’un déclencheur épistémologique. * Séverine Mathieu (GSRL — EPHE-PSL) Discours catholiques sur la révision des lois de bioéthique (2018-2021) : traduire du religieux en termes séculiers Depuis 1994, en France, les lois de bioéthique encadrent différentes pratiques médicales, telles que la Procréation médicale assistée (PMA). Dans le contexte de la nouvelle révision des lois de bioéthique française, entre 2018 et 2020, l’Église catholique est très active, en particulier à propos de l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Dans son discours, elle retraduit des préoccupations inspirées de normes religieuses en un argumentaire séculier. Ainsi, cette communication se propose d’explorer comment est constituée cette bibliothèque séculière, à quels registres elle emprunte et quels sont les acteurs et actrices de ces discours, essentiellement d’ailleurs ici masculins. On voudrait également montrer la porosité des registres religieux et séculier. La communication se fonde sur une enquête sociologique de type ethnographique qui repose sur deux formes de matériaux. D’une part des observations réalisées lors des États généraux de la bioéthique qui se sont tenus entre janvier et mai 2018 et d’autre part, une analyse des propositions faites sur le site des États généraux de la bioéthique, ouvert entre janvier et juin 2018. Sont également exploitées des interventions dans des médias et les documents produits par l’institution catholique. * Amina Mohammad-Arif (CEIAS — CNRS) Comment nommer la réislamisation : le cas de jeunes musulmans en Inde Cette communication tentera d’appréhender les catégories émiques et étiques (en trois langues – français, anglais et urdu) du changement religieux interne en Inde à partir de l’exemple de jeunes musulmans, dont la réislamisation résulte d’un processus choisi et délibéré. Elle sera notamment l’occasion de réfléchir à des catégories comme « Born again » (associé à la fois à l’hindouisme et au christianisme), « réislamisés », « convertis internes » et « reverts ». On se demandera si ces catégories sont heuristiques au regard des conceptions relatées et des pratiques observées. * Galina Oustinova-Stjepanovic (The university of Edinburgh) The Judgment Day of History Building on the ethnographic and archival research of memory activism in Moscow, the paper looks at two modes of temporal reckoning of justice in the aftermath of a mass atrocity. Specifically, the paper compares a secular understanding of the time bar on justice with the death of a perpetrator among activist historians and archivists of the Stalinist Terror and an extended temporality of justice in the afterlife among Russian Orthodox Brethren, a civic organization of Orthodox Christians. The activists and the Brethren replicate each other’s work of remembering victims of political repressions in Soviet Russia. However, they hold a different conception of time and necessity for historical justice. For the memory activists, historical research and administration of justice are perpetual and incomplete, something that involves infinite repetition. For the Brethren, historical justice is contained within a theological framework of divine retribution that has already happened. The paper posits an open-ended question about a possibility of meting out justice in the afterlife and spells out the implications of confronting historical violence with or without reference to the Judgment Day. * Manoël Pénicaud (IDEMEC — CNRS) Repenser l’Orientalisme et/dans les sciences sociales du religieux. Le cas Massignon, savant et mystique islamophile À partir de la trajectoire de Louis Massignon (1883-1962), connu pour être l’un des pères de l’islamologie française et pour avoir été professeur au Collège de France de 1926 à 1954, cette communication propose d’appréhender son approche singulière des sciences sociales du religieux, ses apports scientifiques, mais aussi les critiques et les controverses dont il a fait l’objet. En questionnant son appartenance à la sphère de l’orientalisme savant dans le contexte colonial de la IIIe République, on s’attachera notamment à cerner son positionnement méthodologique d’étude de l’altérité basé sur une compréhension « intérioriste » et un « décentrement mental », loin de l’objectivation des dogmes positivistes : « Il ne suffit pas de chercher à connaître, il faut arriver à comprendre. On comprend l’autre en se substituant mentalement à l’autre, en reflétant en soi la structure mentale, le système de pensée de l’autre. » Ensuite, il est classique d’observer qu’un chercheur interprète son objet de recherche au prisme de sa subjectivité. Le cas Massignon est intéressant, car il a aussi été intimement transformé par ses travaux sur la mystique musulmane, ce qui révèle un double mouvement d’influences réciproques. On démontrera ainsi comment l’étude approfondie du soufisme a joué un rôle maïeutique dans sa propre (re)conversion au christianisme, dans le miroir de l’islam. Car ce savant est lui-même devenu un mystique passionné. Cet aspect pose plusieurs questions sur le plan réflexif, notamment dans sa relecture personnelle du saint musulman A-Hallâj auquel il consacra sa thèse de doctorat il y a un siècle, en 1922. * Ksenia Pimenova (LESC — Université Paris-Nanterre) Musées entre science et communautés confessionnelles. Production et circulation de savoirs sur les faits religieux dans la Russie post-soviétique Dans le sillage de Talal Asad (2003), les sciences sociales abordent les catégories du séculier et du religieux comme interdépendantes, et leurs frontières comme poreuses, évoluant dans le temps. La Russie fournit de nombreuses illustrations à cette thèse, explorée à partir d’enquêtes historiques et ethnographiques centrées sur le gouvernement des affaires religieuses en URSS, la création de fêtes nationales, l’éducation ou encore l’art contemporain (Smolkin 2018 ; Luehrmann 2011, 2015 ; Bernstein 2014). En dialogue avec ces travaux, je me propose d’interroger l’institution muséale comme lieu d’imbrications entre les savoirs des acteurs séculiers d’un côté et des communautés confessionnelles de l’autre. En URSS, les musées comptaient parmi les instruments majeurs de la propagande de l’athéisme et d’un rapport « scientiste » des faits religieux, qui les reléguaient au statut de survivances nuisibles au progrès. Mais ils étaient aussi les principaux lieux de conservation et d’étude du patrimoine nationalisé des groupes confessionnels. Qu’en est-il de ce savoir séculier sur le religieux trente ans après la chute de l’URSS ? Les musées et les professionnels du patrimoine ont-ils toujours l’autorité épistémique face aux savoirs rituels et pratiques accumulés et mobilisés par les groupes religieux contemporains ? Ou encore, comment interagissent aujourd’hui les savoirs produits par les acteurs séculiers et religieux ? Pour explorer les formes de circulation de savoirs sur le religieux entre les musées et les groupes confessionnels, je m’appuierai sur les exemples tirés de mes enquêtes ethnographiques passées et plus récentes dans les républiques sud-sibériennes de Touva et de l’Altaï. D’abord, je présenterai les phénomènes de réactualisation et de dissémination de savoirs accumulés par les experts muséaux. Par exemple, les descriptions ethnographiques de rituels anciens et les fiches d’objets muséaux sont devenues source d’inspiration pour les chamanes post-soviétiques, enrichissant leurs rituels. Ensuite, j’analyserai les exemples de convergence d’expertise patrimoniale et religieuse dans la conception de scénographies du patrimoine bouddhique. L’injection de savoirs religieux dans l’espace du musée transforme certaines salles de musée en espaces « hybrides » où les visiteurs peuvent non seulement apprendre ou admirer les artefacts, mais aussi vivre leur relation aux divinités. Enfin, à travers l’exemple d’un reste humain archéologique ancestral, j’aborderai les tensions entre les besoins de conservation du patrimoine (nécessaire pour la construction d’un savoir scientifique) et les intérêts spirituels des communautés autochtones. * Laurence Roulleau-Berger (LRB — CNRS — ENS Lyon -Triangle) He Rong (Institute of sociology, Chinese Academy of Social Sciences) Post-Western space and circulation of knowledge: religions, space, migrations Post-Western sociology is produced by a dialogue “à part égale” between European and Chinese sociologists. Post-Western sociology can also be defined as global, critical and non-hegemonic sociology. In post-Western sociology, we are producing an ecology of knowledge in which diverse forms of knowledge may interact, articulated through cosmovisions, as well as emancipatory and creative practices. This paradigm is developing on a continuum of assemblages, tensions, and the cross-pollination of different segments from this ecology of knowledge. Sociological practices are viewed as relationships of equivalence in the post-Western space. While the process of cross-pollination and hybridization are particularly manifest in non-Western sociologies, Western sociologies are only slowly integrating situated knowledge produced by other intellectual, scientific, and cultural traditions. Post-Western sociology does not use the differences but the gaps/intervals between the perspectives, practices, and concepts of Chinese/Asian and European sociologies to coproduce new knowledge, which is the starting point of the construction process of post-Western sociology. Thus, it precedes the conception of theoretical and methodological combinations and assemblages (Roulleau-Berger, 2016, 2021). The question of Western and non-Western heritages is major in post-Western sociology to identify common knowledge. For example Weber’s theory had a very strong influence in China. First, Weber’s China studies were regarded as Eurocentric and hegemonic studies but He Rong (2020) asserted that Max Weber overcame the cleavages between Western and non-Western civilizations; Confucianism and Taoism is not only a study of the spiritual temperament of Confucian rationalism, that is, in a dialogue with Protestant ethics, but more than half of the work is devoted to the topic of sociology. In the post-Western sociology are produced spaces of epistemic autonomy and indigenous knowledge. For example, in Chinese sociology, space is of distinctive significance in Chinese religion, since most of the people have no claim of specific religious affiliation, meanwhile, they will get into any temple, shrine or church to worship, sightseeing, or both. Religious places can be defined according to their location and the interactive way with the believers. For example, traditionally, four most famous mountains (and numerous others) are popular tourist destinations for poets, retired officials, and common people with wishes, the temples on the top of the mountain are always the feature of their journey. Under certain occasions, Chinese Buddhism is called mountain-forest-Buddhism, in contrast to their counterparts in the city, sort of temple-official-Buddhism. Either way these Buddhist temples offer consolation and hope to the desperate, money or convenience to people in need. The “In-Between” space is sometimes neglected, by which I mean historical Buddhist constructions or institutions, like hotels, bridges, hospitals, nursing homes, etc. are the in-between space of religion and society, containing people from different walks of life, with different ethnic origins and cultural habitus. This space could be ambiguous, since the Confucian ideology and the authoritarian government are suspicious of the religious organization’s potential for social movement. In the post-Western sociology, Chinese and French sociologies are connected, for example about the relationships between religion, transnational spaces and economic cosmopolitisms. A Muslim cosmopolitanism connects, on the one hand, Chinese cities such as Keqiao, Qingdao, Yongan, Shenzhen, Ningbo and, on the other hand, creates connections between international cities, Arab and Indian, Syria, Afghanistan, Yemen and Pakistan... In this Muslim cosmopolitanism, French and Chinese sociologists analyze how economies of hospitality are combined with economies of trust in these market spaces codified by shared economic and religious conventions and norms. Ways of being Muslim emerge in the economic globalization of cities like Yiwu and show how tractations, trusts and loyalties are defined across ethnicities and around the same religious affiliation. * Grégoire Schlemmer (URMIS — CNRS- IRD-U de Paris) Religions traditionnelles : des religions sans nom ou des religions qui n’en ont que le nom ? Le fait d’attribuer à toutes les sociétés humaines une religion à la suite de l’œuvre de E. Tylor peut être vu comme un acquis majeur de l’anthropologie du 19e siècle. Pour autant, cela n’est pas sans poser quelques difficultés. Depuis la tombée en désuétude de la notion de « primitifs », les religions des peuples qui étaient ainsi nommées sont devenues difficiles à qualifier, comme l’illustre la pléthore de termes mobilisés : religions traditionnelles, orales, tribales, ethniques, populaires (folk), autochtones, ou encore chamanisme, animisme, etc. Une solution souvent privilégiée est d’utiliser des regroupements géographiques, plus neutres (religions amérindiennes, africaines, etc.), mais qui laisse dans l’ombre la zone où les représentants de ces petites religions sont de loin les plus nombreux : l’Asie. La notion de « religions asiatiques » renvoie en effet aux « grandes religions » : hindouisme, taoïsme, bouddhisme, etc. La relative interpénétration entre les petites religions sans nom et ces grandes religions rend d’ailleurs parfois difficile de les distinguer. On partira de l’exemple d’une petite société de l’Himalaya népalais, gouvernée par les préceptes du ridum, tout en étant en contact avec l’hindouisme, mais aussi le bouddhisme, et depuis récemment, le christianisme, pour réfléchir à ce que peut désigner le terme de religion dans ce contexte, en s’intéressant tant à ce qu’il éclaire que ce qu’il oblitère, sachant qu’il est par ailleurs devenu porteur d’enjeux politiques et identitaires. *
|
Online user: 2 | Privacy |